Le livre de la Voie et de la vertu - Laozi (Laotseu) 道德经-老子

Chapitre 80

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小国寡人,使有什伯之器而不用,使人重死而不远徙。
虽有舟舆,无所乘之;虽有甲兵,无所陈之。
使民复结绳而用之。
甘其食,美其服,安其居,乐其俗,邻国相望,鸡狗之声相闻,民至老死,不相往来。

(Si je gouvernais) un petit royaume et un peuple peu nombreux, n'eût-il des armes que pour dix ou cent hommes, je l'empêcherais de s'en servir.
J'apprendrais au peuple à craindre la mort et à ne pas émigrer au loin.
Quand il aurait des bateaux et des chars, il n'y monterait pas.
Quand il aurait des cuirasses et des lances, il ne les porterait pas.
Je le ferais revenir à l'usage des cordelettes nouées.
Il savourerait sa nourriture, il trouverait de l'élégance dans ses vêtements, il se plairait dans sa demeure, il aimerait ses simples usages.
Si un autre royaume se trouvait en face du mien, et que les cris des coqs et des chiens s'entendissent de l'un à l'autre, mon peuple arriverait à la vieillesse et à la mort sans avoir visité le peuple voisin.

NOTES

(612) Sou-tseu-yeou : Lao-tseu vivait à l'époque de la décadence des Tcheou. Les démonstrations extérieures (les dehors d'une politesse étudiée) dominaient, c'est-à-dire avaient remplacé la sincérité du cœur, et les mœurs se corrompaient de plus en plus. Lao-tseu aurait voulu sauver les hommes par le non-agir ; c'est pourquoi, à la fin de son ouvrage, il dit quel aurait été l'objet de ses vœux. Il aurait désiré d'avoir à gouverner un petit royaume pour y faire l'application de sa doctrine, mais il ne put y réussir.

(613) Sou-tseu-yeou : Le mot chi veut dire « dix hommes » (ainsi que l'indique sa composition). Le mot pe veut dire « cent hommes ». H : Même sens.

Mais, comme aucun dictionnaire ne donne ce sens au mot pe (vulgo « frère aîné du père »), j'ai préféré la leçon pe de l'édit. C, qui porte avec elle sa définition. En effet, le mot pe signifie « une troupe de cent hommes », parce qu'il se compose des signes « homme » et « cent ».

B : Le mot khi veut dire « armes de guerre » ping-khi.

Ibid. Il s'agit ici d'un petit royaume de cent lis (dix lieues).

(614) B : Le peuple ne serait pas accablé d'impôts ni de corvées, (E) il aimerait son existence, il serait attaché à la vie et redouterait la mort.

(615) A : Mon administration n'étant point importune aux hommes du peuple, ils exerceraient tranquillement leur profession, ils n'émigreraient pas au loin et n'abandonneraient pas leur pays natal pour aller chercher leur bonheur ailleurs.

(616) A : Il resterait dans un état de pureté et de quiétude absolue ; il ne mettrait pas son bonheur à voyager au loin.

(617) H : Le mot tch'in signifie proprement « ranger, disposer en ordre ».

B : Je n'aurais aucun sujet d'attaquer les autres ni de leur faire la guerre ; je (A) ne m'attirerais pas la haine et le ressentiment des royaumes voisins, et je n'aurais pas besoin de me défendre contre leurs attaques.

(618) Dans la haute antiquité, lorsque l'écriture n'était pas encore inventée, les hommes se servaient de cordelettes nouées pour communiquer leurs pensées. (Voy. le Thong-kien-kang-mou, partie I, livre I, fol. 2.) A cette époque les mœurs étaient pures et simples, et, suivant les idées de Lao-tseu, elles n'avaient pas encore été altérées par les progrès des lumières.

Dans la pensée de l'auteur, les mots « je ramènerais le peuple à l'usage des cordelettes nouées » signifient : « je ramènerais le peuple à sa simplicité primitive ».

(619) H : Le peuple serait content de son sort ; il ne désirerait rien en dehors de lui. Il ne s'occuperait ni de sa bouche, ni de son corps ; il aimerait ses rudes vêtements, et ses mets grossiers lui sembleraient délicieux.

(620) E : Dans ce cas, les deux pays seraient extrêmement rapprochés.

(621) Il arriverait au terme de la vieillesse sans avoir songé à visiter le peuple voisin, parce qu'il (A) serait exempt de désirs, et (E) ne chercherait rien au delà de ce qu'il possède.

H : Lao-tseu s'est exprimé ainsi, dans ce chapitre, parce qu'il détestait les princes de son temps, qu'il voyait se livrer à l'action (le contraire du non-agir) et faire usage de la prudence et de la force, qui aimaient à se faire la guerre pour assouvir leur cupidité, qui s'appropriaient les richesses de leurs sujets pour satisfaire leurs passions, et ne prenaient nul souci du peuple. C'est pourquoi leur royaume était en proie au désordre, le peuple s'appauvrissait rapidement, et devenait de jour en jour plus difficile à gouverner.