(530) H : Dans ce chapitre, Lao-tseu apprend aux rois à s'oublier eux-mêmes (littér. « il leur enseigne la vertu qui consiste à ne pas avoir le moi, en allemand das Ich »).
E : On définit ainsi le mot wang « roi » : c'est celui vers lequel tout l'empire va (wang) pour se soumettre à lui. (Il y a ici une espèce de jeu de mots.) Les ruisseaux de tout l'univers se rendent dans les fleuves et les mers, comme pour se soumettre à eux ; c'est pourquoi les fleuves et les mers sont les rois de tous les courants. Comment obtiennent-ils cela (c'est-à-dire que les courants se rendent dans leur sein) ? C'est uniquement parce qu'ils sont situés au-dessous de tous les courants. (Cf. chap. LXI.)
(531) A : Le roi doit s'abaisser comme les fleuves et les mers. Liu-kie-fou : Lorsque le roi s'appelle lui-même orphelin, médiocre, dénué de vertu, on voit que par ses paroles il se met au-dessous du peuple.
Ou-yeou-thsing : Le Saint est d'une modestie, d'une humilité si éminentes, qu'il se voit placé au-dessus et en avant des hommes sans l'avoir désiré (et comme à son insu). Le lecteur, dit Ou-yeou-thsing (doit aller au devant du sens) ; il ne doit pas, suivant l'expression de Meng-tseu, dénaturer la pensée de l'auteur en s'attachant servilement à la lettre.
(532) E : Les hommes aiment naturellement à empiéter sur les droits de leurs supérieurs ; mais, comme le Saint peut s'abaisser au-dessous des hommes et se placer après eux, quoiqu'il soit élevé au-dessus d'eux, ils le portent (sic) avec joie et ne le trouvent pas lourd, c'est-à-dire : il ne leur est point à charge. (Liu-kie-fou : Ils le trouvent léger ; Li-si-tchaï : Ils ne s'aperçoivent pas qu'ils ont un roi.)
(533) H : Pou-i-weï-haï « il (le peuple) n'en éprouve pas de dommage ». Liu-kie-fou, même sens : i-tsong-tchi-weï-li « il trouve qu'il est avantageux de le suivre et de lui obéir ».
Aliter E : Quoiqu'il soit placé en avant des hommes, ceux-ci se réjouissent de le suivre et n'ont nulle intention de lui nuire, eul-wou-chang-haï-tchi-sin.
(534) B explique tchouï par sse « servir », et E par jang « céder le pas à, obéir à », même sens. A le rend par thsin « pousser en avant ». Ils aiment à le mettre en avant, à le présenter pour qu'il devienne leur maître.
(535) E : S'il était élevé au-dessus des hommes et qu'il leur fût à charge ; s'il était placé en avant des hommes et qu'ils lui fissent du mal (H : et qu'ils en souffrissent), alors, quoiqu'ils lui obéissent, ils ne s'en réjouiraient pas ; s'ils s'en réjouissaient, ils ne manqueraient pas de s'en lasser. Mais, comme il ne leur est point à charge, et qu'ils ne veulent pas lui faire du mal (cf. H, E, note 533), ils aiment à le servir, et jusqu'à la fin de leur vie ils ne se lassent point de lui.
(536) E : Les mots hia-jin « il s'abaisse au-dessous des hommes », heou-jin « il se met après les hommes », renferment implicitement l'idée de pou-tseng « non contendit ». C'est pourquoi tout l'empire aime à le servir et ne s'en lasse pas. On voit par là que, dans tout l'empire, personne ne peut lutter avec lui.