(432) Liu-kie-fou : Quand l'homme vient de naître, sa vertu est pure et solide. Quand il est devenu grand, il se met en rapport avec les objets extérieurs, au moyen des oreilles et des yeux, il les reçoit au fond de son cœur et s'y attache fortement ; il cherche à augmenter sa vie, c'est-à-dire à vivre avec plus d'intensité. Plus ses désirs s'accroissent, et plus la solidité de sa vertu s'affaiblit. Mais celui qui pratique le Tao retranche les choses qui peuvent augmenter sa vie (c'est-à-dire le faire vivre avec plus d'intensité) ; il renonce aux objets sensibles, il cultive sa nature et revient à sa vertu primitive. Quand sa vertu est devenue parfaite, il ressemble à un nouveau-né.
Sou-tseu-yeou : Un enfant nouveau-né est calme et exempt de désirs ; il n'en est que plus parfait. Si les objets extérieurs se présentent à sa vue, il ne sait pas leur répondre, c'est-à-dire se mettre en rapport avec eux. Le Tao n'a pas de corps (est immatériel) ; les êtres ne sauraient le voir, et, à plus forte raison, ils ne pourraient le blesser. Les hommes arrivent à avoir un corps (c'est-à-dire à sentir qu'ils ont un corps) parce qu'ils ont un cœur. Ayant un cœur, ils ont ensuite des ennemis qui accourent en foule pour les blesser. Dès qu'un homme n'a plus de cœur (s'est dépouillé de son cœur), aucun être ne peut lui résister en ennemi, et, à plus forte raison, lui faire du mal. Pourquoi l'enfant est-il arrivé à ce point (à ne rien redouter) ? C'est uniquement parce qu'il n'a point de cœur (c'est-à-dire parce qu'il n'a point le sentiment de son existence).
(433) G : Par exemple, des scorpions.
(434) G : Par exemple, des tigres et des léopards.
(435) G : Par exemple, des aigles et des faucons.
(436) Sou-tseu-yeou : Si pueri recens nati virilia absque cupiditate surgunt, id e seminis redundantia, non cordis ardore oriri patet.
(437) Sou-tseu-yeou : Quand le cœur est ému, la force vitale est lésée. Quand la force vitale est lésée, si l'on crie, la voix devient rauque. Comme un nouveau-né crie tout le jour sans que sa voix s'altère, on reconnaît que son cœur n'éprouve aucune émotion, et que sa force vitale est dans une parfaite harmonie, c'est-à-dire est calme et reposée. Celui qui possède cette harmonie ne se laisse pas troubler (littéral. « blesser ») intérieurement par les objets extérieurs.
(438) E : Celui qui connaît (cette) harmonie peut subsister constamment. C'est pourquoi on l'appelle tch'ang « non sujet au changement, immuable ».
Cette même idée se trouve dans le chap. XVI (texte chinois, mois 35-42). Dans le monde, dit E, chap. XVI, il n'y a que les principes de la vie spirituelle qui soient constants. Toutes les autres choses sont sujettes au changement. Celui qui possède le Tao conserve son esprit par le repos ; les grandes vicissitudes de la vie et de la mort ne peuvent le changer, etc.
(439) Le mot constance est pris ici dans le sens d'immutabilité, c'est-à-dire l'état de ce qui n'est point sujet au changement ; je le dérive d'une des significations de l'adjectif constant, qui veut dire quelquefois immuable. (Voy. note 438.)
E : Connaître la constance (connaître l'art d'être constant, c'est-à-dire de ne pas se laisser changer ou pervertir par les objets extérieurs), c'est connaître le Tao. C'est pourquoi la connaître s'appelle être éclairé.
(440) B :Si l'homme se livre à la cupidité et à l'ambition, s'il (H) contente les désirs de sa bouche et l'intempérance de son ventre pour augmenter sa vie, il s'attire infailliblement des malheurs et finit par succomber à une mort prématurée.
(441) H : Quand le cœur n'est pas calme, il se livre à des mouvements désordonnés et donne l'impulsion à la force vitale. Lorsque (Lin-kie-fou) le cœur donne l'impulsion à la force vitale, l'homme devient fort et violent ; mais la force et la violence le conduisent promptement à la mort. (Cf. chap. XLII, p. 159, l. 5, et LXXVI.)
(442) H : Ceux qui sont mous et faibles comme le Tao subsistent longtemps, et jusqu'à la fin de leur vie ils ne sont jamais exposés à aucun danger. D'un autre côté ceux qui ne songent qu'à augmenter leurs richesses, leurs honneurs, leurs forces physiques, ne tardent pas à perdre leur fortune, leurs dignités, leur santé, et succombent avant le temps.