Le livre de la Voie et de la vertu - Laozi (Laotseu) 道德经-老子
Chapitre 36
将欲翕之,必故张之;将欲弱之,必故强之;将欲癈之,必固兴之;将欲夺之,必固与之。
是谓微明。
柔胜刚,弱胜强。
鱼不可脱于渊,
国有利器,不可示人。
Lorsqu'une créature est sur le point de se contracter, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a eu de l'expansion.
Est-elle sur le point de s'affaiblir, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a eu de la force.
Est-elle sur le point de dépérir, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a eu de la splendeur.
Est-elle sur le point d'être dépouillée de tout, (on reconnaît) avec certitude que dans l'origine elle a été comblée de dons.
Cela s'appelle (une doctrine à la fois) cachée et éclatante.
Ce qui est mou triomphe de ce qui est dur ; ce qui est faible triomphe de ce qui est fort.
Le poisson ne doit point quitter les abîmes ; l'arme acérée du royaume ne doit pas être montrée au peuple.
(311) G : Le mot hi (vulgo aspirer) veut dire ici « se contracter, se resserrer » ; tchang signifie « se développer, s'agrandir ».
(312) E : Le mot kou (vulgo solide) veut dire ici « dès l'origine ». — Voyez ma traduction de Meng-tseu, I, 90, 2 ; II, 84, 6.
B : Si vous voyez une créature extrêmement développée dès sa naissance, vous reconnaissez à ce signe qu'elle se rapetissera. Si vous la voyez montrer sa force, vous reconnaissez qu'elle s'affaiblira. Si vous la voyez, dès sa naissance, dans un état florissant, vous reconnaissez qu'elle dépérira, etc.
(313) E : Quoique ces principes soient évidents (pour le sage), en réalité ils sont abstraits et comme cachés (au vulgaire qui est incapable de tirer de telles conséquences de l'état apparent des choses ou des créatures).
(314) E : Si les choses les plus florissantes dépérissent, etc. il est évident que les choses molles peuvent triompher des choses dures (cf. chap. LXXVIII), et que les choses faibles peuvent triompher des choses fortes. Ibidem : La dureté et la force sont la voie qui conduit au danger et à la mort ; la mollesse et la faiblesse sont la voie de la paix et du salut. Celui qui gouverne un royaume pourrait-il se prévaloir de sa puissance et de sa force ? Si le poisson peut se cacher au fond des eaux, il conserve sa vie. Il ne doit pas se livrer à des mouvements violents et s'élancer sur la terre ; car il tomberait au pouvoir de l'homme et ne tarderait pas à périr. Mais (A) lorsque le poisson (que le pêcheur avait pris) quitte l'élément dur (la terre) et qu'il possède l'élément mou (l'eau), personne ne peut plus se rendre maître de lui. De même, si un royaume peut conserver la faiblesse (c'est-à-dire se montrer faible quoiqu'il soit puissant), il restera constamment en paix. Il ne doit pas se glorifier de sa puissance et de sa force (suivant E, l'expression « arme acérée du royaume » désigne la puissance, l'autorité), ni l'étaler aux yeux de tout l'empire. Autrement sa puissance s'épuiserait, sa force fléchirait, et il ne pourrait conserver ses États.
(315) Ordinairement les mots kho-i signifient « il peut », et montrent que le verbe suivant est actif ; mais ici (voyez, à la fin de mon édition de Meng-tseu, Tractatus, etc. p. 67 et suiv.) il faut regarder le mot i (vulgo se servir) comme synonyme du mot tsiang (capere) en style moderne, lorsqu'il désigne l'accusatif, et construire comme s'il y avait : pou-kho-tsiang-koue-tchi-li-khi-chi-jin « Il ne faut pas (littéralement) prenant l'arme acérée du royaume (la) montrer aux hommes », c'est-à-dire il ne faut pas montrer aux hommes l'arme acérée du royaume.
Le commentateur Li-si-tchaï a adopté cette construction : koue-tchi-li-khi-pou-kho-chi-jin « L'arme acérée du royaume ne doit pas être montrée aux hommes » ; i-thseu-chi-jin, comme s'il y avait tsiang-thseu-chi-jin (si capiens illud, ostendas hominibus, id est, si illud ostendas hominibus), si vous la montrez aux hommes, alors, etc. Cette construction se retrouve aussi dans B et plusieurs autres commentaires.