Le livre de la Voie et de la vertu - Laozi (Laotseu) 道德经-老子

Chapitre 23

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希言自然。
飘风不终朝,骤雨不终日。
熟为此?
天地。
天地上不能久,而况于人?
故从事而道者,道德之;同于德者,德德之;同于失者,道失之。
信不足,有不信。

Celui qui ne parle pas (arrive au) non-agir.
Un vent rapide ne dure pas toute la matinée ; une pluie violente ne dure pas tout le jour.
Qui est-ce qui produit ces deux choses ? Le ciel et la terre.
Si le ciel et la terre même ne peuvent subsister longtemps, à plus forte raison l'homme !
C'est pourquoi si l'homme se livre au Tao, il s'identifie au Tao ; s'il se livre a la vertu, il s'identifie à la vertu ; s'il se livre au crime, il s'identifie au crime.
Celui qui s'identifie au Tao gagne le Tao ; celui qui s'identifie à la vertu gagne la vertu ; celui qui s'identifie au crime gagne (la honte du) crime.
Si l'on ne croit pas fortement (au Tao), l'on finit par n'y plus croire.

NOTES

(187) H : L'auteur veut dire, dans ce chapitre, que le Saint oublie les paroles (ou renonce aux paroles) pour s'identifier au Tao. On a vu plus haut : « Celui qui parle beaucoup finit par être réduit au silence ; il vaut mieux garder le milieu ». Celui qui se laisse aller à la violence de son caractère et aime à discuter, s'éloigne de plus en plus du Tao. Plus bas Lao-tseu compare ces hommes qui aiment à discuter, et dont la loquacité ne peut se soutenir longtemps, à un vent rapide qui ne peut durer toute la matinée, et à une pluie violente qui ne peut durer tout le jour. Or le goût immodéré de la discussion vient d'une agitation intérieure de notre âme, de même qu'un vent rapide et une pluie violente sont produits par l'action désordonnée du ciel et de la terre. Si donc le trouble du ciel et de la terre ne peut durer longtemps, il en sera de même, à plus forte raison, de la loquacité de l'homme.

(188) E : Hi-yen, c'est-à-dire « ne pas parler ». Il explique cette locution par koua-yen « parler peu ».

E : Tseu-jen, c'est-à-dire wou-weï « pratiquer « le non-agir ». Le non-parler, c'est-à-dire le silence absolu, paraît une chose aisée et de peu d'importance, et cependant Lao-tseu le regarde comme la voie qui mène au non-agir. Si ceux qui étudient (le Tao) peuvent y réfléchir profondément, ils ne manqueront pas d'en voir bientôt les effets.

(189) Fo-koueï-tseu (Edit. B) : L'homme doit rester calme et tranquille ; il ne doit pas imiter le vent fougueux ni la pluie impétueuse, qui, à cause de leur violence même, ne peuvent durer longtemps. Voyez la fin de la note 187.

(190) Suivant Ho-chang-kong, il faut entendre ici, non la durée du ciel et de la terre, mais la durée des choses qu'ils produisent. Le ciel et la terre sont doués d'une vertu divine. Cependant, lorsqu'ils se sont unis ensemble pour produire un vent rapide et une pluie violente, ils ne peuvent les faire durer toute la matinée ou tout le jour. A plus forte raison l'homme ne pourra-t-il subsister longtemps, s'il se livre à des actes violents et désordonnés. E : les mots [] « ne pas durer longtemps » correspondent aux mots précédents : « ne pas durer toute une matinée, ne pas durer tout un jour ».

Ibid. Le vent rapide et la pluie violente sont ici le symbole de la force, de la violence, de l'activité (que blâme Lao-tseu). Ce commentateur paraît penser qu'il s'agit ici du peu de durée qu'auraient le ciel et la terre, s'ils venaient à perdre leur assiette. Dans cette hypothèse, Lao-tseu supposerait qu'ils sont dans un repos absolu, et que ce repos est le gage de leur durée. On lit dans le chapitre II, 2e partie : Si la terre n'était pas en repos, elle se briserait.

(191) E : Celui qui est vide, calme, silencieux, non-agissant, est celui qui se livre à la pratique du Tao.

(192) E : Il subsiste longtemps comme le Tao.

(193) Le texte chinois des lignes 8 à 10 (n° 41 à 74 incl.) me paraît presque inexplicable, sous le rapport de la syntaxe et des acceptions reçues. Les mots te-tche et chi-tche se prêtent difficilement à signifier celui qui se livre à la vertu, celui qui se livre au crime. Les quatre mots chi-i-te-tchi sont encore plus douteux que les précédents. J'ai cependant mieux aimé suivre Sie-hoeï et Sou-tseu-yeou que de laisser trente-quatre mots sans traduction. E : Celui qui est doué de piété filiale, de respect pour ses aînés, qui aime à faire le bien sans jamais se lasser, celui-là, dis-je, se livre à la vertu.

(194) E : Il est estimable et entouré de félicités comme la vertu.

(195) E : Les excès blâmables s'appellent chi . Celui qui se révolte contre le Tao, qui se met en opposition avec la vertu et se croit en sûreté au milieu des dangers, ou lorsqu'il touche à sa perte, celui-là, dis-je, se livre au crime.

(196) E : Il devient odieux et en butte aux calamités, comme le crime.

(197) Sou-tseu-yeou regarde le mot tao comme le régime direct du mot te « acquérir ». Celui qui se conforme au Tao obtient le Tao.

(198) Je suis encore Sou-tseu-yeou, qui explique le mot te « vertu », comme régime du verbe te « obtenir ».

(199) La construction des quatre mots chi-i-to-tchi étant exactement la même que celle de tao-i-te-tchi, j'ai cru pouvoir regarder le mot « faute, crime », comme le régime direct du verbe te « acquérir, gagner » ; mais je suis loin de garantir une telle explication des quatre mots chi-i-te-tchi qui ont embarrassé tous les commentateurs de Lao-tseu.

H explique autrement te-tchi « Ceux qui imitent la corruption du siècle aiment aussi (plusieurs éditions portent lo) à se posséder eux-mêmes ». Cette explication de te-tchi n'est pas admissible.

Aliter Sou-tseu-yeou : Si par malheur il échoue (chi), quoiqu'il échoue dans ses entreprises, il ne peut manquer de réussir dans le Tao et la vertu. Mais ce sens ne s'accorde point avec les mots précédents : chi-tche-thong-iu-chi « S'il se livre au crime, il s'identifie au crime ».

(200) Sou-tseu-yeou : Celui qui ne connaît pas le Tao n'a pas une foi solide dans le Tao, et alors son défaut de foi s'augmente de jour en jour.

Aliter A : Si le prince n'a point assez de confiance dans ses inférieurs, ceux-ci lui rendront la pareille.

Aliter H : Celui qui a une véritable confiance en lui-même obtient la confiance des hommes du siècle, lors même qu'il ne parle pas. Mais ceux qui aiment à discuter, qui s'abandonnent sans cesse à l'intempérance de leur langue, plus ils parlent et moins on les croit. Cette incrédulité vient uniquement de ce qu'ils n'ont pas assez de confiance en eux-mêmes.