(145) Cf. chap. III et XLV. H : Ce sont les sages de la moyenne antiquité qui ont fait usage de la prudence, de l'humanité, de la justice pour gouverner le peuple. Mais l'exercice de ces vertus suppose une activité que blâme Lao-tseu et dont l'abus peut donner lieu au désordre. Si l'on veut faire revivre l'administration de la haute antiquité, il faut pratiquer le non-agir, et l'empire se purifiera de lui-même. Sou-tseu-yeou : L'humanité et la justice enseignent la piété filiale et l'affection paternelle. Mais quand elles eurent dépéri, on emprunta le masque de l'humanité et de la justice en vue d'un intérêt méprisable. On vit des fils désobéir à leurs pères et des pères tyranniser leurs fils. Si vous renoncez à les enseigner, le peuple reviendra naturellement à la piété filiale et à l'affection paternelle que le ciel a mises en lui. Il en est de même de la prudence et de l'habileté qui sont destinées à contribuer à la paix et au profit des hommes. Lorsque leur véritable caractère a dépéri, l'on s'en sert pour violer impunément les lois ou pour voler adroitement les autres. Suivant Li-si-tchaï, Lao-tseu ne blâme pas la possession de ces diverses qualités tant qu'elles sont concentrées au dedans de nous. Il réprouve seulement le vain étalage et l'abus qu'en font certains hommes ; il pense que ceux qui les possèdent véritablement ne les montrent pas au dehors, et que ceux qui les font paraître n'en ont que l'apparence et non la réalité.
(146) E et tous les commentateurs suppléent les mots il faut renoncer (à ces trois choses) qui sont (C) : 1° la sagesse et la prudence ; 2° l'humanité et la justice ; 3° l'habileté et le lucre. Il faut (ibid.) renoncer à tout ce qui n'a qu'une apparence spécieuse.
(147) Littéralement : Jubeo homines habere (id) cui adhæreant, c'est-à-dire (C) : Je veux que les hommes s'attachent uniquement à la simplicité et à la pureté, et s'appliquent (B) à avoir peu de désirs.
E : Pourquoi le Saint renonce-t-il à ces trois choses lorsqu'il gouverne ? C'est parce qu'elles sont le contraire de la réalité (ici réalité veut dire la possession réelle de ces qualités). La réalité est le principal, l'apparence (c'est-à-dire l'apparence extérieure de ces qualités) n'est que l'accessoire. Celui qui s'applique à (montrer) l'apparence (d'une qualité) en perd la réalité ; celui qui court après l'accessoire perd le principal. Quiconque estime le principal et la sincérité a une vertu solide qui peut subsister longtemps. L'arbre qui ne donne que des fleurs et ne produit pas de fruits n'offre qu'un avantage faible et passager ; il est presque inutile. Tout ce qu'on vient de dire montre clairement que les apparences ne suffisent pas (Pi-ching) pour bien gouverner l'empire.
(148) E : Le mot sou veut dire « simple, sans ornements ». Le mot po signifie « bois qui n'est pas encore dégrossi, travaillé ». Ces deux mots sont employés ici au figuré. Hien-sou « montrer au dehors la réalité (de sa vertu), ne pas y ajouter d'ornements (c'est-à-dire la faire paraître dans toute sa simplicité) » ; pao-po « conserver intérieurement sa pureté (la pureté de sa vertu), ne pas permettre qu'elle se dissipe au dehors ».
(149) Suivant la plupart des commentateurs, ces deux membres de phrase sont, comme les deux suivants, dans la dépendance du mot tcho « s'attacher à ». Mais l'interprète Pi-ching regarde les deux dernières idées comme la conséquence des deux précédentes : s'ils laissent voir leur simplicité, s'ils conservent leur pureté, alors ils auront peu d'intérêts privés et peu de désirs.
Le commentateur E rapporte le mot sse « intérêts privés », aux calculs de l'ambition ou de la cupidité, et le mot yo « désirs aux appétits sensuels.